Une complainte auprès des constructeurs: ouvrez les yeux au delà des frontières…
Les continents du modélisme ferroviaire
Nous sommes dans un monde connecté, et pourtant, la façon dont nous « jouons au train » est fortement influençée par là où nous vivons. Bien sûr, vous pouvez commander une loco américaine pour votre réseau en banlieue parisienne, ou avoir un train japonais dans votre garage à Los Angeles. Mais quand il s’agit des centrales numériques, des appareils électroniques et d’autres choix techniques pour nos réseaux, notre lieu de vie compte.
On pourrait résumer les 3 principaux continents du train électrique ainsi:
- Amérique du Nord
- Europe (avec l’Allemagne et le Royaume-Uni ayant des spécificités propres)
- Japon
La façon de jouer au train diffère dans ces lieux. Par exemple, le Japon n’est pas fan des réseaux digitaux, l’analogique est encore extrêmement populaire. Mais les plus grandes différences sont nos fournisseurs respectifs.
Digitrax, Athearn? Si vous n’habitez pas en Amérique, ces noms ne vous disent peut-être rien.
Doehler & Haass? Il faut vraiment être un expert en décodeurs DCC pour connaître cette marque, qui est pourtant derrière tout le système Selectrix et les décodeurs de Trix/Minitrix.
Tomix? En dehors du Japon, surtout connu et reconnu pour un seul wagon nettoyeur.
Il existe peu de marques de train vraiment globales, et ces dernières sont souvent allemandes (Märklin, Fleischman…). L’Allemagne est toujours le coeur du modélisme ferroviaire, et c’est très bien ainsi….sauf quand les marques allemandes font de la rétention d’information…
Toi pas comprendre?
J’ai voulu que LocGeek.com soit disponible (au moins) en anglais et en français. C’est toujours le cas (les articles sont publiés en anglais d’abord, puis sous 3 jours traduits pour la version française). Pourtant, maintenir un blog bilingue prend du temps.
La raison pour laquelle je me tiens à ce principe est simple. Je voulais, modestement, relier certains modélistes qui n’auraient sinon pas entendu parlé de certains modèles ou de certaines pratiques à l’étranger. Comprendre l’allemand aide naturellement à fournir des nouvelles fraîches du monde du train modèle.
La langue est un obstacle courant dans le monde du train miniature. Il n’y a pas de langue commune, car 2 d’entre elles se battent pour la première place: l’anglais (la langue internationale de facto), et l’allemand (la langue la plus importante du petit train).
Beaucoup de modélistes viennent de générations ou de pays où le bilinguisme avec l’anglais n’est pas une évidence… oui, je parle notamment de vous, chers lecteurs français ou ex-allemands de l’est 😉
Ajouter à cela le fait que beaucoup de constructeurs sont allemands ou autrichiens, parlant souvent entre eux et pas aux autres, et on obtient un monde trop segmenté.
Parce que le modélisme ferroviaire est une niche, beaucoup de constructeurs sont trop petits pour avoir de bonnes stratégies en dehors de leur propres frontières (physiques ou linguistiques). La plupart des modéliste se sont déjà retrouvés face à un manuel ou un site web uniquement en Allemand.
Un monde d’ingénieurs
Une complainte que je ne me lasse pas de répéter. Certains modélistes, dont moi-même, aiment bricoler. Souder, construire à partir de rien, cela fait partie intégrante du modélisme… mais cela devrait être optionel. On n’attire pas de nouveaux clients avec des photos de diodes et de fers à souder!
Les amateurs potentiels (surtout les enfants) veulent des trains, des centrales et des accessoires qui marchent facilement. Tant mieux si, par la suite, ils décident de s’atteler au bricolage !
C’est pour cela que je suis toujours ravi de voir quand certaines marques adoptent des stratégies de ventes et des produits modernes (contrôle par tablette, smartphone…).
Trop de produits pour les trains sont produits par des ingénieurs qui, franchement, ne savent pas vendre. Ces produits peuvent être excellents, mais s’il faut 4 pages pour seulement expliquer ce qu’ils font, il y a un problème.
Pour avoir travailler dans de nombreux pays, dire ce qui suit est un peu exagéré, mais se retrouve dans le monde du train. C’est très germanique de vouloir développer un produit A, puis de se perdre dans des pages de cahiers des charges techniques. A la fin, sort un produit B, assez proche de ce qu’aurait fait A, mais qui nécessite d’avoir C & D, et de souder E avec C une nuit de pleine lune pendant une eclipse.
En bref: il ne devrait pas falloir être ingénieur pour comprendre un manuel de train électrique. Jamais. Même les produits avancés, non destinés aux débutants, pourraient être rendus plus simples.
Les gagnants et perdants
Voici une liste des marques qui méritent, selon moi, des félicitations ou des brimades pour leur stratégie d’ensemble.
Les gagnants
Ces marques ont des stratégies internationales claires, de bons sites web (disponibles, au minimum, en anglais), et une approche moderne du business du train électrique.
- ESU (www.esu.eu)
Un des leaders dans les produits numériques pour trains miniatures. Marque allemande, tout est aussi en anglais, et même en français via leur distributeur en Belgique. Ils essayent de développer des produits (notamment des sons pour locomotives) pour la plupart des marchés. - Märklin (www.maerklin.com)
On aime ou pas, mais Märklin c’est la marque de trains miniatures. Ils ont eu beaucoup de succès avec leurs gammes récentes pour les enfants, tout en continuant à produire aussi des produits pour les amateurs exigeants. - Roco & Fleischmann (www.fleischmann.de)
Ces deux marques (une seule entreprise) ont fait beaucoup d’efforts récemment. Sites web modernes ainsi que multilingues, et une centrale numérique Z21 destinées aux tablettes et smartphones. Ils ont les yeux fixés sur l’avenir.
Les perdants
Je ne considère pas ces marques comme perdantes à cause de leurs produits. Au contraire, ces marques produisent plusieurs excellents produits, mais elles sont incroyablement peu douées pour les marketer.
- Uhlenbrock (www.uhlenbrock.de)
Site web en allemand seulement, affreux. Manuels en anglais, oui, mais difficiles à trouver. Engager un graphiste doué pour les catalogues n’était apparement pas possible. - Zimo (www.zimo.at)
Marque autrichienne, la référence pour des décodeurs DCC de qualité. Malheureusement, leur site web semble sorti des années 90, sans compter qu’il est franchement bordélique et peu pratique. Tout est par contre disponible en anglais, un bon point. Par pitié Zimo, virez un ingénieur et engagez un marketeur doué à la place! - Tams-Elektronik (www.tams-online.de)
Une marque allemande de produits numériques pour nos trains. Tellement de bons produits qui gagneraient à être connu…mais si peu d’attention aux détails. Site web en allemand seulement. Les manuels sont bien dispos en 4 langues, ce qui est excellent…mais il faut contacter la firme par email, car les pages de téléchargement n’ont pas été mises à jour depuis plus de 7 ans (!!!). - Digitrax (www.digitrax.com)
La seule marque américaine de cette liste. Eux par contre, on voit qu’ils essayent de vendre…trop. Trop de produits avec des noms trop chics, on fini par s’y perdre. Il semble que leurs designers sont tous décédés dans les années 70… et qu’ils n’ont toujours pas été remplacés. Sans compter les descriptions de produits trop techniques.
*Commentaires basés sur la situation au moment de la publication. Avec le temps, il est possible que des efforts aient été faits.
Faisons tomber ces murs
Des continents et des langues différentes, des produits trop complexes. Tant que ces problèmes ne sont pas partiellement résolus, le modélisme ferroviaire restera, non pas une niche, mais pire: une collection de micro-niches.
Bien sûr il y a des différences d’échelles et techniques. Par exemple, chaque marque développe des systèmes incompatibles avec les autres (exemple ici). Pourtant on sait que la compatibilité n’est pas forcément la clef du succès dans toutes les industries. Voir les ordinateurs Apple…
Le train miniature ne nage pas dans les millions en ce moment. C’est pour cela (et non pas malgré cela) que les marques, y compris les petits constructeurs, doivent réaliser ce qui suit: faire des produits « user-friendly », traduire sites et manuels et faire du bon marketing ne sont pas des options.
En attendant, apprenez des langues étrangères, autant que possible. Et si vous êtes modéliste ferroviaire, commencez en piorité avec l’anglais et l’allemand 😉